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Renouvellement des générations « Elevage laitier : le pic de la vague des départs est passé »

« Les cessations prévisibles (inhérentes à l'âge), nettement majoritaires, sont cependant moins problématiques que les 30 % de départs précoces et de départs d'associé(s) dans les Gaec qui arrêtent alors souvent le lait ».

« Les 50 % d'éleveurs laitiers, devant cesser leur activité d'ici 10 ans, sont majoritairement partis », estime l'idele, comme le prévoyaient les projections. L'avenir s'annoncerait donc moins sombre que la période récente, à condition que les installations se maintiennent voire augmentent et que le métier redevienne plus attractif.

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« Depuis de nombreuses années, on entend que 50 % des éleveurs seront à la retraite dans les 10 ans. On y est : ils sont en train de partir, voire sont déjà partis. Le pic de la vague de départs d'éleveurs laitiers est passé depuis 2023 », fait remarquer Christophe Perrot, chargé de mission au service "économie de l'élevage et territoire" à l'idele, en ouverture de son point sur la démographie de la filière laitière, pour la 11e édition du Grand angle lait le 4 avril 2024.

Les éleveurs sont déjà partis.

La décennie visée dans cette anticipation est désormais derrière nous. « Le choc démographique, prévu pour 2018-2023, a été conforme aux prévisions montrées lors du même événement en 2021 : 30 % des producteurs en place en 2018 ne sont plus là en 2023 (courbe orange) et 50 % devraient être partis en 2027 », appuie-t-il.

(© idele)

Un « choc démographique » qui s'avère conforme aux projections

Pourtant, d’après la MSA, l'élevage laitier reste le premier pourvoyeur d’emplois non-salariés en agriculture. Mais, les effectifs reculent trois fois plus vite que la moyenne tous secteurs confondus, emmenant dans leur chute ceux du cheptel de vaches laitières. Cette décapitalisation, dont on ne cesse également de parler, « s'accélère depuis 2018 en lait comme en viande », pointe le spécialiste. Et s'accompagne d'un recul marqué de la production laitière.

Dans la filière lait : les effectifs chutent 3 fois plus vite.

Heureusement, dans le même temps, de jeunes éleveurs se sont installés (courbe verte), compensant en partie ces départs, prévisibles (nombre croissant d'exploitants de plus de 55 ans) mais aussi précoces. « Avec les retraites que nous pouvons prévoir compte tenu de l'âge des producteurs de lait, et l'hypothèse la plus probable d'installations plutôt stables, la projection en termes d'effectifs pour les six prochaines années ne forme pas une droite : le phénomène s'atténue donc. »

Pourquoi s'atténue-t-il ?

Plusieurs raisons peuvent être invoquées. Premièrement, la pyramide des âges spécifique à la filière, très pointue au niveau de la classe des 55 à 60 ans. « Au-delà de 60 ans, ils sont moins nombreux à continuer de travailler, en raison des astreintes et de la pénibilité de certaines tâches, qu'en viande bovine et surtout productions végétales, où le recours à la sous-traitance et au salariat est davantage possible », note Christophe Perrot.

(© idele)

Conséquence de carrières qui se prolongent moins que dans d’autres secteurs agricoles, la tête de la pyramide des âges des éleveurs laitiers s’efface plus rapidement.

(© idele)
Les producteurs laitiers travaillent moins longtemps.

Deuxième explication : la restructuration du secteur laitier, massive dans les années 90, liée à la politique de "pré-retraite" menée par le gouvernement, avec des aides à la cessation d'activité pour les petits troupeaux. « La stabilité des entrées dans le métier entre 2015 et 2023, est rassurante pour l'avenir, même si elle est nettement insuffisante pour remplacer les sorties », reprend Christophe Perrot. Actuellement, on se situe autour de 1 800 par an dont près de 1 600 pour les moins de 40 ans, avec un léger effet dépressif lié au Covid, plus marqué dans la filière laitière que dans les autres.

Un phénomène désormais « contrôlable »

Autrement dit : le fort recul du nombre d'éleveurs laitiers est plus imputable à l'abondance des cessations qu'à une diminution des installations. Et comme les départs vont diminuer, leur taux de remplacement devrait progresser, du très bas 45 % actuel (il était même descendu à 35 % en 2019), le plus faible de toutes les productions agricoles (sachant que la moyenne est de 70-80 %), aux alentours de 60 % à horizon 2030. À condition que « les installations se maintiennent », répète l'expert.

Une hausse du taux de remplacement de 40 à 60 %.
(© idele)

« Les cessations prévisibles (inhérentes à l'âge), certes importantes mais pour beaucoup dans de plus petites exploitations, sont cependant moins problématiques que les 17 % de départs très anticipés (quand tous les coexploitants ont moins de 40 ans) et les 14 % de départs d'associé(s) dans les Gaec entraînant un arrêt du lait même en présence d’un jeune producteur», met-il en avant. Comme dans son introduction, il conclut sur une touche positive : « la reprise progressive, après 2023, du contrôle possible de la transition démographique en élevage bovin lait, si brutale depuis 2018. »

À condition que le métier soit attractif

Celle-ci n'est toutefois envisageable que si le renouvellement des générations de producteurs laitiers est mieux assuré, avec au moins autant de jeunes qui s'installent qu'actuellement. Cela nécessite de poursuivre la réflexion sur l'attractivité du métier d'éleveurau travers des trois composantes que sont l'image et l’acceptabilité sociétale de l’élevage, l'accessibilité au foncier et au capital, et les conditions d’exercice du métier (rémunération et qualité de vie au travail).

Travailler sur l'image de l'élevage, l'accès au foncier et capital, les conditions d'exercice du métier (rémunération, travail).

Sur le premier point, « les grandes exploitations ont plus de mal à se développer en France qu'à l'étranger en raison d’une moindre acceptabilité sociétale », rappelle Christophe Perrot. Sur le foncier, il invite à réfléchir aux systèmes de portage, en plein essor. Puis, concernant le capital, aux modalités de prêts ou de participation, pourquoi pas s'inspirer de l'exemple du Danemark, qui expérimente de nouveaux modes d'actionnariat dans les exploitations de grande taille ?, suggère-t-il.

Choc de robotisation.

Quant à l'exercice même de la profession, il évoque un autre « choc », celui de la robotisation. « En un an, le pourcentage de fermes équipées a augmenté de 5 points (de 14 à 19 % au niveau national, et bien plus en plaine) pour faire face à l'agrandissement des structures et à la stagnation du salariat en élevage, qui a bien progressé de 2007 à 2015. » Redynamiser le métier en le rendant plus attractif (notamment en permettant une rémunération correcte au vu de ses exigences)  fait partie des principaux enjeux pour renouveler les éleveurs.

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